L’objet du mois

Photographie de soldats allemands dans le Nord de la France (1917)

En ce début de siècle, la fête de Noël est bien différente de ce que nous connaissons actuellement. En France, les sapins et le père Noël ne font pas encore partie de la fête ; les sapins sont amenés par l’occupant allemand pendant la guerre et le père Noël arrivera avec les Américains bien plus tard. D’abord répandu dans les familles bourgeoises, l’usage d’offrir des cadeaux aux enfants se démocratise au XIXe siècle avec l’ouverture des grands magasins et la publication des catalogues de jouets. Dans les milieux populaires, les cadeaux sont modestes et souvent alimentaires : fruits, friandises, biscuits et pains d’épices. Si le repas de Noël varie en fonction des denrées disponibles et surtout de la classe sociale à laquelle on appartient, la traditionnelle messe de minuit est commune à toutes les populations.

Noël est une période de joie et de partage en famille mais en cet hiver 1914, les choses sont différentes, la guerre fait rage et on commence à réaliser que les soldats ne seront pas rentrés au foyer pour la fin de l’année.

AU FRONT :

En ce premier Noël maussade et hostile, quelques détails consolent les soldats. En France, grâce à de nombreuses initiatives privées, les hommes présents sur le front reçoivent des colis composés de vêtements chauds, cigares, tabac, confiseries. Les autorités allemandes font un effort particulier afin que chaque unité soit dotée d’un sapin pour décorer sa tranchée. La reine Mary fait parvenir à tous les soldats britanniques la fameuse boîte Princess Mary’s 1914 Christmas Gift, contenant généralement du tabac et du chocolat.
Aux dires de nombreux témoins, dès le matin du 24 décembre, l’état d’esprit sur le front se trouve considérablement transformé.

Le soir du 24 décembre 1914, plusieurs brefs cessez-le-feu non officiels ont lieu dans les tranchées, en particulier celles entre les troupes britanniques et allemandes sur le front de l’Ouest en 1914. Des offices religieux s’improvisent un peu partout, parfois dans des maisons en ruines. L’heure est au recueillement, les soldats prient et pensent à leur famille.

Au petit matin du 25 décembre, les Alliés découvrent avec étonnement les tranchées adverses décorées de sapins illuminés. Puis les Allemands entonnent des chants de Noël (notamment le célèbre Stille Nacht, en français Douce nuit), auxquels les Alliés répondent par d’autres chants.

Lentement, des dizaines d’hommes sortent de leurs tranchées et se retrouvent dans le no man’s land, sympathisant avec l’adversaire. Les deux camps se rencontrent au milieu d’un paysage dévasté par les obus, échangent chocolat, tabac, verres de vin ou menus objets. Dans certains cas, les soldats en profitent pour inhumer simultanément leurs morts.

Dans les zones de combats, les soldats ont essayé de fêter Noël comme ils le pouvaient. Les trois Noël de guerre suivants ne seront pas témoins de fraternisations aussi intenses, mais donneront lieu à des suspensions de combat. On célèbre Noël en entonnant des chants religieux et, parfois, en échangeant des cadeaux d’une tranchée à l’autre.

À L’ARRIÈRE :

Dans les foyers, l’esprit de Noël n’est pas réellement présent comme à son habitude, tant on pense aux soldats et aux proches éloignés par la guerre.

La pénurie alimentaire se développe assez rapidement après de début de la guerre. Dès 1915, le rationnement du pain est organisé à l’arrière et l’alimentation de base comme le beurre, les pommes de terre, devient difficile à trouver.  Pour pouvoir fêter Noël avec un repas sortant de l’ordinaire, de nombreuses femmes essaient de mettre un peu de nourriture de côté. Les cadeaux se font rares et l’abondance proposée par les Grands Magasins est réservée aux plus riches. Dans les familles défavorisées, de vieux jouets sont repeints, des vêtements non utilisés sont retaillés pour en faire de nouveaux et être offerts à Noël. Dans de nombreuses familles, on ne peut se réjouir sans la présence du père

À partir de l’hiver 1916-1917, les réquisitions et restrictions sont difficilement supportables, la situation devient critique, en France mais aussi en Allemagne où les récoltes ont été très mauvaises et les importations impossibles à cause du blocus maritime. La famine y fait de nombreux morts surtout chez les enfants et les personnes âgées. De nombreuses familles sont en deuil ou n’ont pas de nouvelles de leur proche au combat. Tout le monde a peur pour ceux qui sont encore en vie.

Après quatre Noëls de guerre, la fête de Noël 1918 sera celle des retrouvailles ou celle des larmes pour l’être chéri qui ne reviendra pas.