Alexandre Zinoview : La carte d’Etat-major
Zinoview n’est pas un artiste officiel missionné sur le front pour représenter une vision héroïque et attendue de la guerre. En tant que Russe, il combat au sein de la Légion étrangère, après un engagement volontaire et ne cesse de dessiner au cours des années de guerre. Ses croquis lui servent à composer des œuvres à l’encre de Chine ou à la gouache, entre fiction et réalité, tant ses compositions sont insolites en comparaison de la production artistique de la Grande Guerre.
Témoin privilégié de cette guerre nouvelle, il tient à en présenter ses aspects les plus ordinaires pour un soldat : attente, montée au front et attaque, blessure, conditions météorologiques, ravitaillement, explosions. L’homme est au cœur de ses représentations : cette composition montre trois soldats français dans un abri dialoguant autour d’un téléphone et d’une carte topographique. Les visages aux traits tendus ainsi que les gestes expressifs des mains traduisent aussi bien une concertation difficile qu’une nervosité commune.
Dans ses œuvres, Zinoview exploite une gestuelle souvent peu réaliste pour accentuer la gravité des scènes. Apparemment bien protégés par une structure massive, ces hommes sont cependant au sein d’un univers rouge incandescent du fait des explosions d’obus. En contrebas, trois soldats casqués sont dans l’attente d’un assaut à effectuer vers le no man’s land sans cesse bombardé. De leurs visages se dégagent la résignation et la peur. Selon le principe d’une case de bande dessinée, la silhouette de dos se détache du sol, isolée dans une grande vulnérabilité. Le paysage dans la partie supérieure est une vision que Zinoview a plusieurs fois représentée : destruction de villages, explosions et nuées grises au-delà du réseau des tranchées. Telle une iconostase russe ou un tableau des peintres primitifs, cette composition fragmentée, sans perspective, renforce l’univers dramatique des premières lignes du front dans lequel les fantassins sont réduits au silence sous le brouhaha des armes, subissant le déluge de feu où la mort les guette. Zinoview démontre ainsi dans un style simple une symbolique forte de la guerre : l’irrationnel allié au cauchemar vécu dans un univers où l’homme n’a plus sa place.
Gouache vernie sur papier
22 x 25 cm
Collections Historial de la Grande Guerre, 13 FI 8
Du 18 mai au 10 décembre 2017, l’Historial de la Grande Guerre vous propose, dans son musée à Péronne, une exposition temporaire consacrée à l’artiste Russe Alexandre Zinoview :