Les podcasts des médiateurs
Série : Halloween
Épisode 3
Par Jade
Par Jade
Septembre 1916. La bataille de la crête de Thiepval s’engage. Du 25 au 28, sous un ciel gris d’automne, les troupes du lieutenant-général Hubert Gough se préparent à l’assaut.
Les Allemands sont retranchés sur la hauteur. Le château de Thiepval, construit au XVIᵉ siècle, domine la vallée de l’Ancre. Transformé en forteresse, creusé de caves profondes, il résiste aux bombardements, défiant les obus, défiant le temps. Pendant deux ans, on raconte qu’il abritait des souterrains immenses, des galeries creusées dans la craie, des ascenseurs, des réserves de munitions… La presse parle même d’espions, d’agents de Krupp cachés sous terre.
Mais tout cela… n’était que légende.
« Ces souterrains n’existent pas. Les tunnels féodaux sont bouchés depuis des siècles. Le reste, c’est l’imagination… » comme le dit le témoignage d’Henri Portier, ancien propriétaire du château, en 1919.
Le 27 octobre, les Britanniques reprennent enfin le village. Ils avancent de trois côtés, prennent les ouvrages extérieurs, puis le centre. Treize cents prisonniers. Des tonnes de matériel.
Mais quand la guerre s’achève… Le château n’est plus qu’un souvenir.
Entre 1928 et 1932, l’architecte Edwin Lutyens fait ériger un mémorial. Le Thiepval Memorial to the Missing. Sur ses murs, 72 246 noms… Des soldats de l’armée britannique et sud-africains disparus.
Sous les fondations et dans les bois qui entourent le mémorial, on retrouve des ossements. Des fragments d’uniformes. Des baïonnettes tordues. La guerre sommeille là-dessous, mais ne dort jamais tout à fait.
Après la guerre, le site inquiète. Fascine. Des anciens combattants reviennent. Certains, visiteurs, habitants disent entendre des pas, d’autres, des voix. Dans la mémoire collective des vétérans: « Le vent chantait les noms des disparus dans la vallée. »
Dans les années 1960, les gardiens du mémorial, eux aussi, racontent. Des bruits de pas réguliers, la nuit. Des silhouettes dans la brume. Des ombres glissants entre les croix. L’un d’eux dira : « Comme si les soldats marchaient encore vers le château disparu. »
Un autre confiera : « Parfois, on sent une présence. Quelque chose vous regarde. Une tension, presque palpable. Comme si le lieu lui-même gardait mémoire de la bataille. »
Thiepval est aujourd’hui, lieu de mémoire. De recueillement. Chaque 1er juillet, on y lit les noms. Les familles, les vétérans, les enfants des écoles.
Mais quand la nuit tombe sur le plateau…Quand le vent souffle entre les croix blanches certains disent encore voir des silhouettes monter la colline, entendre le murmure des disparus et deviner, dans la brume, les ruines invisibles du château.
Ce ne sont pas des fantômes. Ce sont des souvenirs. Des ombres indélébiles. La mémoire d’une génération perdue qui hante encore Thiepval.
« Et peut-être qu’aujourd’hui, si vous écoutez attentivement… vous pourriez entendre la voix de l’Histoire… qui refuse de se taire sur le sommet de la vallée de l’Ancre . »

