4 - Quatrième partie Fronts intérieurs et culture de guerre© Lithographie et aquarelle. N° inv. : 4 FI 338 et 11 FI 185. Coll. Historial de la Grande Guerre – Péronne(Somme). Photo Yazid Medmoun – Auguste Lepère, « Les femmes de France » – Anonyme. « Mobilisé » par le Ministère de l’Information et associé à l’effort de guerre des artistes évoquent ici la moisson et la fabrication d’obus : travaux dévolus aux femmes pendant la Grande Guerre. Deux regards pour lire la situation nouvelle faite aux femmes.© N° inv. : 5 DEC 17.1.Coll. Historial de la Grande Guerre – Péronne(Somme). Photo Yazid Medmoun – Médaille d’infirmière française. Dans le cadre tapissé de velours, un portrait de jeune femme, une médaille commémorative de l’Association des Dames françaises, et la date de 1914-1918 : une vie de femme mobilisée pendant la guerre, une expérience de guerre féminine, puisque les femmes ne sont pas autorisées à combattre, ce que certaines, parmi les infirmières précisément, ont dit regretter. La barrière du genre s’impose ici dans son extrême rigueur, mais la jeune fille s’est offert un tableau d’honneur en tous points comparable à ceux qu’ont composés tant de soldats survivants.© N° inv. : 13 ART 1.3. Coll. Historial de la Grande Guerre – Péronne(Somme). Photo Yazid Medmoun – Boîte à lettres britannique. Cette boîte à lettre anglaise, particulièrement rudimentaire, représente bien plus qu’elle-même : elle est le symbole du lien vital, et parfois quotidien, de millions d’hommes avec ceux qu’ils se sentaient chargés de défendre, avec les “leurs” laissés à l’arrière. En période calme, les soldats peuvent écrire une lettre par personne et par jour, et parfois davantage : en France, plusieurs milliards de lettres furent expédiées pour l’ensemble de la guerre. L’alphabétisation, pratiquement complète en Europe occidentale à la veille du conflit, a donné à la quasi-totalité des soldats, et pour la première fois dans l’histoire, la possibilité d’écrire : ils ont pu ainsi entretenir une conversation continue avec ceux qu’ils avaient quittés. Toute interruption du courrier était d’ailleurs perçue comme insupportable. Les lettres donnent également des nouvelles de ceux qui sont du même lieu d’origine, leur contenu a vocation à être diffusé au-delà du cercle familial. Elles sont aussi un moyen de contrôle masculin : les hommes dirigent à distance leur exploitation, leur commerce ; ils conseillent leur femme et donnent des ordres, ils réprimandent et encouragent leurs enfants. En une sorte de « contre-propagande » diffuse, ils évoquent surtout leur quotidien le plus immédiat (ce qui ne veut pas dire qu’ils puissent tout dire, ou même qu’ils sachent ou osent le dire). Quant à la guerre en général, et aux raisons de combattre, elles sont peu évoquées : elles n’en sont pas moins discrètement présentes et, à ce titre, leurs lettres disent ce que ces millions d’hommes ont, dans leur masse et dans l’instant, pensé.© N° inv. : 30 JOJ 60.1 et 61.1. Coll. Historial de la Grande Guerre – Péronne(Somme). Photo Yazid Medmoun – Uniforme d’enfant. En France, le mythe de l’enfant-combattant, voire de l’enfant-héros, a joué un grand rôle dans le discours adulte à l’égard de l’enfance. Il trouve ici une illustration plus intime à travers cet uniforme bleu horizon taillé pour un enfant très jeune. Le cadeau d’un père à son fils ?© N° inv. : 14 JOJ 0.3 et 37 JOJ 4.3. Coll. Historial de la Grande Guerre – Péronne(Somme). Photo Yazid Medmoun – « Get rid of Huns. The great european war game » – « Trench Football ». L’univers du jouet a été profondément contaminé par la culture de guerre. Il s’agit ici de deux jeux d’adresse britannique. Dans le premier, le joueur doit conduire une bille depuis le coup d’envoi jusqu’aux buts de l’adversaire, figurés par la bouche grande ouverte de Guillaume II, en évitant au passage différentes figures du commandement allemand : indice de la place du football dans la culture de guerre britannique, et même de l’assimilation de ce sport à la guerre elle-même. Dans le second, des billes pour les Alliés et des pastilles de couleur pour les quatre Puissances centrales doivent être déplacées pour occuper les territoires adverses : la désignation de l’espace ennemi sous le nom de « Hunland » exprime parfaitement l’enjeu de civilisation lié à l’affrontement européen.© Coll. Historial de la Grande Guerre – Péronne(Somme). Photo Yazid Medmoun – Artisanat de tranchée : Crucifix (1915) / Chapelet tricolore, gravé « Dieu et patrie »./Ex-voto italiens / Cierge de communion allemand. Ce crucifix français de belle facture a été « bricolé » à partir de cartouches de fusil, ainsi devenues le bois de la croix, et d’aluminium poli (généralement récupéré sur les fusée d’obus) pour sculpter le corps du Christ. L’objet souligne que la guerre fut souvent vécue comme une imitation du Christ par les soldats chrétiens ; les tranchées, nouveau Golgotha, deviennent dès lors le lieu de la Passion. Prières, médailles, objets de piété relient d’ailleurs le front et l’arrière. On croit dans la guerre, pour la guerre, pour ceux que l’on aime, et ces objets sont la trace de ces échanges de ferveurs. Sur ce chapelet, le choix du tricolore et de la formule gravée signalent que le croyant – au sens plein du terme – est bien un « catholique et Français, toujours. » C’est avec une ardeur particulière que l’on place des ex-voto dans les sanctuaires catholiques : il peut s’agir d’un simple remerciement gravé, de tableaux peints ou brodés mettant en scène des miracles de guerre, ou encore de prières théâtralisées. Ici, il s’agit de silhouettes de soldats et de chevaux, préfabriquées et découpées dans le métal, souvent argenté. Tout est bon pour aider à tenir dans l’universelle mobilisation. Quant à ce cierge de communion allemand a-t-il été rapporté du front par un père particulièrement fier d’offrir symboliquement sa croix de fer au moment de la Communion de son enfant ? Ou s’agit-il d’un cierge utilisé par un aumônier régimentaire ? On ne peut le savoir. Mais un tel objet dit la fusion parfaite de la croyance et Dieu et de la croyance en la patrie, allemande ici : Gott mit uns.© N° inv. : 16 VAD 1.1 et 13 VAD 1.1. Coll. Historial de la Grande Guerre – Péronne(Somme). Photo Yazid Medmoun – Service à thé français, avec dessins de Job. Deux exemples de ce que l’historien George Mosse a désigné sous le nom de « trivialisation » de la guerre. Ce modèle de boîte à savon a été commercialisé pour être envoyé aux combattants par leur famille : l’image emblématique du soldat du front sert ici d’argument de vente. La même récupération de la figure combattante (française et anglaise) se retrouve sur ce service à thé en porcelaine de Limoges, dessiné par Job : toutefois, il ne s’agit évidemment pas d’objets destinés au monde de « l’avant » mais bien à celui de « l’arrière ». Ironie amère de cette représentation de soldats britanniques (sur le sucrier) en train de boire leur thé dans l’inconfort des tranchées ; et contamination de la culture matérielle par l’imagerie guerrière.© N° inv. : 15 DEC 5.2 et Recol-000037. Coll. Historial de la Grande Guerre – Péronne(Somme). Photo Yazid Medmoun – Boules de Noël. Au cours des années 1870, le sapin s’était affirmé comme un élément central du rite familial que constituait désormais, en Allemagne, la célébration de Noël. Se sont ainsi développés un artisanat et une industrie des décorations de Noël qui n’échappèrent nullement à la contamination guerrière. Ces boules pour sapin reprennent les grandes thématiques du patriotisme de guerre allemand: la célébration des chefs militaires (en particulier Hindenburg, héros de Tannenberg et chef du IIe grand état major général à partir d’août 1916) et la guerre sous-marine, qui reçut un soutien massif de la part de l’opinion publique. Selon l’historien George Mosse, la prolifération de ces objets à motif patriotique relève d’une « entreprise de banalisation » de l’expérience de la guerre, banalisation qui aurait permis d’en occulter la réalité et d’en entretenir le mythe. Ces boules de Noël qui, furent fabriquées en masse, témoignent par ailleurs de l’investissement des sociétés – et singulièrement de l’arrière ici – dans le conflit en cours. RETOUR À L'ENCYCLOPÉDIE