Les podcasts des médiateurs
Série : Halloween
Épisode 1
Par Jade
Par Jade
Fermez les yeux. Imaginez un endroit reculé, écrasé de soleil et de silence.
Nous sommes en 1915, au coeur de la Première Guerre mondiale. Tandis que les combats font rage en France et en Belgique, un autre front s’ouvre loin de l’Europe occidentale : les Alliés cherchent à forcer les Dardanelles, ce détroit stratégique qui relie la mer Égée à la mer de Marmara, et qui sépare l’Europe de l’Asie.
La presqu’île de Gallipoli, en Turquie, devient alors un champ de bataille. Débarqués en avril 1915, les troupes britanniques, françaises, australiennes et néo-zélandaises s’enlisent rapidement dans une guerre de positions, face à des soldats ottomans déterminés, dirigés par un certain Mustafa Kemal, le futur Atatürk.
Le 5 d’août 1915, une nouvelle opération est lancée : l’attaque de Suvla Bay, une baie marécageuse bordée de collines sèches et couvertes de broussailles. L’objectif : percer les lignes ottomanes, s’emparer des hauteurs et progresser vers l’intérieur.
Le 12 août 1915, à 16h15, le 1/5ᵉ bataillon du Norfolk Regiment, une unité de la Territorial Force composée en grande partie de volontaires issus des domaines royaux de Sandringham, reçoit l’ordre d’avancer. Environ 266 hommes, sous le commandement du colonel Sir Horace Proctor-Beauchamp, quittent leurs positions.
La chaleur est suffocante. Les hommes traversent un terrain marécageux et s’enfoncent dans un bois sur les pentes d’une colline. Selon le rapport du général Ian Hamilton, commandant en chef de l’expédition, le bataillon a « pénétré dans le bois… et on ne les a plus jamais revus ». Cette phrase, sera le point de départ d’une légende.
Certains témoins racontent avoir vu un étrange nuage descendre sur la colline, envelopper les soldats, puis s’élever vers le ciel. D’autres jurent que les hommes ont été massacrés après leur capture par les Turcs et enterrés dans une fosse secrète. L’histoire se déforme, se nourrit de rumeurs. Peu à peu, le bataillon Norfolk devient « l’unité fantôme », disparue sans laisser de trace.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
En 1918, après l’armistice signé avec l’Empire ottoman, les Britanniques reviennent sur la presqu’île. Dans le bois où le Norfolk s’était enfoncé, on découvre des fosses communes. Les corps de plus de 180 soldats britanniques y reposent, mutilés, criblés de balles. La chaleur étouffante de Gallipoli, la décomposition rapide et la végétation dense avaient effacé toute trace visible, donnant l’impression d’une disparition soudaine.
Et pourtant, malgré cette explication rationnelle, la légende persiste.
Des bergers turcs auraient évité ces collines pendant des années, affirmant que des cris étouffés, des bruits de bottes et des gémissements résonnaient la nuit, dans le silence du maquis.
Certains visiteurs, bien plus tard, jurent encore sentir une présence, un souffle glacial, comme si les âmes du bataillon erraient toujours, condamnées à marcher dans ce bois devenu leur tombeau.
Alors, que s’est-il vraiment passé au bois de Gallipoli, ce 12 août 1915 ?
Un assaut téméraire brisé par les mitrailleuses ottomanes ?
Un massacre passé sous silence ?
Ou la disparition mystérieuse d’une troupe maudite, avalée par la terre et condamnée à hanter pour l’éternité les collines brûlées de Suvla Bay ?
Une chose est certaine : le bataillon Norfolk n’est jamais revenu. Mais peut-être qu’il marche encore… quelque part, dans les ombres de Gallipoli.

